Vous aussi, proposez vos plans qui font la différence ! N'hésitez pas à faire une ou plusieurs captures d'écrans et composez un petit texte à votre sauce... puis envoyez le tout à O'Brian@neuf.fr.
CETTE semaine, pour changer un peu, je vais vous parler non pas d'un film mais d'une série. Et l'une de celles qui fait le plus parler (on n'est pas fou, l'audience avant tout), j'ai nommé :
Lost (plus connue sous le titre Lost, les Disparus lors de sa diffusion sur TF1, seul moyen de la voir en France comme chacun sait) est une série fantastique (ou pas) créée en 2004 par Jeffrey Lieber, J.J. Abrams (oui oui, le co-scénariste d'Armageddon) et Damon Lindelof et avec une île pas si déserte, des ours polaires, des surnoms à gogo et même une statue de pied à quatre doigts !
Pour ceux qui ne la connaitraient pas, voici un lien vers sa fiche IMDB : Lost (IMDB)
Lost est une série singulière : elle est tout autant critiquée qu'adulée et très souvent par les mêmes personnes.
Nous la critiquons car elle a des défauts, c'est évident. Mais d'un autre côté, qui aime bien châtie bien (oui, je me devais d'utiliser une expression bateau dans un article parlant de naufragés). Si nous la critiquons, c'est que nous y sommes attachés. Et nous n'y serions pas si attachés si elle n'avait pas les qualités indéniables qui font sont succès.
Mais, selon moi, les principales qualités de ce show sont dans sa forme, dans son "emballage", et pas dans son scénario. Pourtant, c'est le scénario qui est, à mon avis, responsable à 90% du succès ou de l’échec d'une série.
Alors pourquoi un tel paradoxe ?
Pour le comprendre (en partie) il faut, selon moi, revenir à l'épisode pilote.
Dans cet épisode, nous découvrons un certain nombre de personnes ayant survécues à un crash aérien, sur la plage d'une île apparemment déserte.
Après une scène d'action où un héros se révèle, soigne et sauve pas mal de gens dans l'urgence, les choses se calment un peu et les survivants créent un camp de fortune en attendant les secours.
Puis, pour tuer le temps, des discussions s'amorcent et des liens se tissent.
Ou comment un crash aérien peut favoriser la mixité sociale.
Jusque là, rien de bien exceptionnel. Cette série présente des personnages plutôt intéressants et complexes développant des conflits et antagonismes captivants, comme doit le faire tout bon scénario mais on est quand même loin de Six Feet Under.
Non, pour moi, la vérité sur le succès de Lost est ailleurs.
Elle réside dans l'utilisation d'un procédé dramaturgique aussi simple à implanter qu’efficace : le mystère.
Le mystère est souvent utilisé afin de rendre une histoire plus intéressante qu'elle n'est en réalité (ce qui n'est pas un mal en soit, bien au contraire). Il s'agit de ne pas tout révéler immédiatement, de laisser une plus ou moins grande part d'inconnu, de non-dit, dans les informations données. Ceci a pour effet, en règle générale, de captiver le spectateur et rendre l'histoire plus palpitante.
Il est impératif d'indiquer au spectateur que des informations lui sont cachées. Ainsi seulement, il pourra être pris à parti et se poser des questions.
Voyons comment cela s'applique dans Lost.
Un grand mystère ne nécessite pas forcément une grande et longue préparation. Dans Lost, les créateurs utilisent ce plan :
Alors vous me direz qu'il n'y a absolument rien ici étant susceptible d'introduire un mystère et vous aurez bien raison. Mais ouvrez un peu vos esgourdes et cliquez sur l’icône ci-dessous :
Cliquez pour entendre l'étonnant cri du mystère affamé.
Les rescapés du crash auront donc de quoi s'occuper en attendant les secours : cette île n'est pas aussi déserte qu'elle n'y paraît. Ce cri très étrange doit bien venir de quelque chose de très étrange. Mais de quoi ?
Vaste question.
Vu nos connaissances à ce moment du récit, cela peut aussi bien être de la musique expérimentale diffusée dans une rave party sauvage qu'une créature extraterrestre venue s'amuser un peu dans la jungle…
Alors pour entretenir les interrogations du spectateur, il faut lui donner quelques pistes, afin de diriger et stimuler sa réflexion.
Quelques secondes plus tard, un deuxième plan apporte une nouvelle information. Quelle que soit cette chose, elle est énorme :
Evidemment, on se garde bien de nous montrer cette chose.
L'effet est néanmoins immédiat : le spectateur subit une poussée d'adrénaline, tous ses sens sont en éveils, son excitation et sa curiosité sont au plus haut niveau… « Putain, c'est quoi cette merde encore ? »
Cependant et malgré son incongruité, cela reste un élément du décor.
Pour que le spectateur se sente impliqué et s'interroge, il faut l'intéresser. Et pour l'intéresser, il faut mettre en place un enjeu :
Cette personne avait survécu au crash…
Désormais, cette chose n'est plus un simple élément quelque peu exotique du décor, elle devient un danger extrême pour les rescapés : s'y frotter tue et il faudra la fuir.
Ce même plan met également en évidence un élément très important, voire indispensable, pour que le mystère fonctionne : des référents, se posant les mêmes questions que le spectateur, doivent être introduits afin que ce dernier ne se sente pas seul à être perdu dans l'histoire, sans quoi il risquerait de décrocher.
Dans les épisodes et saisons suivants, certains protagonistes en apprendront plus que le spectateur. Cette position est en général très désagréable pour le spectateur car il se sent tenu à l'écart. Mais cette série exploite jusqu'au bout le côté masochiste du public et arrive à faire de cette frustration une source de plaisir et un moyen d'entretenir le mystère.
Néanmoins, aussi captivant soit-il, le mystère autour de cette créature devient au fil des épisodes moins addictif. D'autant plus que des débuts de réponses sont apportés, permettant surtout de savoir ce que n'est pas cette chose. Parallèlement, d'autres mystères sont développés. Et les auteurs réussissent à garder les spectateurs captifs devant leur écran en les entretenant.
La fameuse écoutille
Mais le mystère risque de prendre en otage notre attention et nous empêcher de suivre convenablement des scènes dites "classiques" mais pouvant apporter des éléments importants pour le reste de l'intrigue.
Pour pallier ce problème, les auteurs ont eu la « bonne idée » de remplir la plupart des épisodes de dialogues et d'intrigues très secondaires et au final inutiles afin de nous laisser le temps de gamberger sur le mystère principal. Ils sont trop sympas ces auteurs !
Un mystère provoque par essence une énorme curiosité et sa révélation doit être d'autant plus satisfaisante. Du moins cela doit-il être le cas pour un film. Mais une série est un médium particulier dans lequel les intrigues se développent sur plusieurs années et qui n'est pas fait, a priori, pour être vu plusieurs fois.
Ainsi, pour une série, même s'il a une résolution décevante, le mystère peut être très utile. D'un point de vue commercial en tous cas.
C'est assurément le cas pour Lost puisque la phrase revenant le plus souvent dans la bouche de ses téléspectateurs est "je continue de regarder pour connaître le fin mot de l'histoire". Nous ne regardons pas pour sa qualité mais pour satisfaire notre curiosité.
Mieux vaut donc que la révélation soit à la hauteur des attentes, sans quoi ces derniers, malgré tout le plaisir qu'ils auront pris à regarder la totalité des saisons, garderont à jamais en mémoire la déception du dernier épisode. Déception qui déteindra inéluctablement sur tout le reste de la série.
Les auteurs ont tout intérêt à connaître la fin de leur histoire dès le début, c'est le meilleur moyen de créer une révélation aussi satisfaisante qu'espérée.
Mais dans le cas de Lost, c'est loin d'être sûr…
Bien d'accord avec la dernière phrase de cette analyse, ils ont intérêt à connaitre la fin depuis le départ sinon bonjour la déception.
RépondreSupprimersans être allée plus loin que le 8ième épisode de la saison 2, j'ai été assez déçue par la série. au début, il y a effectivement l'aspect "curiosité" qui rentre en compte (="bon aller ce soir je regarde qu'un seul épisode, ce serait pas raisonnable sinon" et au final tu te retrouve à en regarder 4 à la suite jusqu'à l'épuisement juste pour connaître le dénouement du truc... qui ne vient jamais), mais on se rend vite compte que quand finalement on n'a pas les épisodes suivants, bas c'est pas grave... on fera sans et on s'en portera pas plus mal...
RépondreSupprimerPS trop utile: voir l'humour familial sur internet à la vue de tous, ça fait un drôle d'effet =P
Bon voilà, t'as mis un commentaire, maintenant tu peux écrire un article ! ;-)
RépondreSupprimerEt quand même, je tiens à dire que la saison 4 est bien meilleure que les précédentes, bien plus rythmée et dans laquelle aucun épisode n'est inutile.
Ça fait plaisir de voir un billet consacré à "Lost" ! Étant comme la majorité dans une attente quasi schizophrénique du pourquoi du comment !!! Il est vrai que l'on a tendance à occulter tout autre aspect de la série que son mystère ! Après une saison 2 bien bien molle et une saison 3 en dent de scie, la 4 (grâce en partie à ses "Flash-forward") est bien au dessus du lot !! Espérons oui que la fin soit à la hauteur des promesses prétendues, bien que la fin de Lost n'ai à mon humble avis jamais été programmée !!! Wait and See, à la fin de ce moi-ci !!
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