The Matrix

Prise : 006
Film : Matrix
Date : 01 octobre 2008
Auteur : bpfeuty

Vous aussi, proposez vos plans qui font la différence ! N'hésitez pas à faire une ou plusieurs captures d'écrans et composez un petit texte à votre sauce... puis envoyez le tout à .


CETTE semaine, je vais vous parler d'un film très important pour moi. En fait, LE film le plus important pour moi, car c'est ni plus ni moins le film qui a totalement et radicalement changé ma façon de regarder les films et ma conception du cinéma. Rien que ça.

Il s'agit aussi de mon film préféré, pour ces raisons et plein d'autres. J'ai nommé :

Matrix - affiche

Cliquez pour agrandir

Matrix (ou The Matrix en VO – on a connu de bien pires traductions) est un film de science-fiction philosophique et d'action écrit et réalisé par les frères Wachowski en 1999 avec Joe Pantoliano, Carrie-Anne Moss et Hugo Weaving.

Pour ceux qui ne sauraient pas qu'il faut choisir entre la pilule bleue (non, pas celle qui fait un tabac mais que personne ne prend) et la pilule rouge, il n'y a qu'à suivre le lapin blanc IMDB

Les frères Wachowski sont d'excellents réalisateurs qui savent très bien utiliser une caméra, que ce soit pour faire des plans extraordinairement spectaculaires ou des plans qui ont du sens. Et parfois les deux en même temps.

Mais le plan dont je vais vous parler ne fait pas partie de ceux-là. Certes il est spectaculaire, d'une certaine manière, et il a du sens mais seulement parce qu'il montre quelque chose de spectaculaire et qui a du sens et non par sa complexité ou sa composition. C'est un simple plan fixe, composé symétriquement.

Le voici :

Matrix - Réveil 1

Cliquez pour agrandir

Intéressons-nous d'abord à la façon dont il agit sur le spectateur lors de sa première vision du film puis nous développerons ensuite son sens profond.

Le début du film se passe dans une grande ville américaine, qui pourrait être n'importe quelle métropole des Etats-Unis. Et comme dans chacune d'entre elles, il y a des immeubles, des boites underground, des punks qui fuckent le système, des flics et des Agents au service du système. Une ville de film d'action tout à fait banale.

Assurément, nous sommes aussi dans un film de science-fiction, donc quelques petites choses étranges s'y déroulent :

Matrix - Silence Matrix - Chatouilles

Cliquez pour agrandir

Mais ce ne sont après tout que quelques petits éléments étranges dans un monde que l'on connaît et dont on connaît les règles.

Même quand on a une culture SF très limitée (comme c'était mon cas lorsque j'ai découvert ce film), ces quelques éléments surprenants nous intriguent mais ne nous ébranlent pas plus que ça. Nous sommes confortablement assis dans nos sièges, en terrain conquit.

De plus, depuis le début, un énergumène n'arrête pas d'expliquer par téléphone au héros que le monde qu'il connaît n'est pas le monde réel. Alors, le spectateur sait que les choses bizarres qu'il voit ne font pas partie du monde réel.

D'autre part, notre héros a un problème particulier : très souvent, il se réveille en sursaut dans son lit alors que l'instant d'avant, il se trouvait dans un tout autre endroit et était loin de dormir. Peut-être simplement un effet de montage. Peut-être pas.

Le spectateur émet vite une hypothèse : Et si cet homme passait du monde réel au monde irréel à chacun de ses réveils ?

Cela expliquerait beaucoup de choses.

Puis le héros rencontre l'énergumène du téléphone qui lui propose de faire un choix : la pilule bleue ou la pilule rouge.

La première lui permet de garder sa petite vie tranquille et la seconde de connaître la vérité. Le protagoniste fait le choix de la vérité, expérimente le stade freudien du miroir d'une manière on ne peut plus littérale et cut sur (enfin presque, on ne va pas chipoter, tout de même) :

Matrix - Réveil 2

Cliquez pour agrandir

Le héros se réveille là-dedans. Compte tenu de ce qu'on a vu avant, c'est peu compréhensible. Est-ce d'ailleurs vraiment le héros ? Difficile de le reconnaître mais oui, c'est bien lui. Toutes les certitudes du spectateur volent en éclat, sa théorie avec. Peut-être était-elle complètement fausse…

A partir de ce plan, l'arrogance du spectateur, se croyant omniscient, est sérieusement mise à mal.

Les plans et la scène qui suivent prouvent une chose : le monde se déroulant devant les yeux du spectateur lui est désormais totalement inconnu.

A partir de ce moment, tout est possible ; il n'y a plus aucune base solide sur laquelle se reposer pour comprendre ce qui se passe. Tout ce qu'il reste à faire, c'est d'attendre les informations qui seront données au spectateur en même temps qu'au héros.

Ce procédé permet de captiver l'attention du spectateur, toujours à l'affût de la moindre information qui pourrait lui permettre de comprendre ce qui se déroule devant ses yeux. Il ainsi est plus ou moins dans le même état d'esprit que le protagoniste.

De cette manière, le spectateur expérimente lui aussi et à son niveau la remise en cause de ses certitudes, tout comme le héros. Ceci permet de comprendre plus précisément les sensations du protagoniste et, par conséquent, d'accentuer l'empathie envers ce dernier.

Mais l'identification du spectateur va encore plus loin.

Avant de se retrouver dans la situation que nous venons de voir, le héros a dû faire le choix de connaître toute la vérité, rien que la vérité et a expérimenté l'épreuve suivante :

Matrix - Miroir

Cliquez pour agrandir

Il se regarde dans un miroir qui va progressivement l'envelopper complètement ; c'est ainsi qu'il passe du virtuel au réel, de la fiction à la réalité ; de l'autre côté du miroir.

Et il se retrouve donc pleinement conscient de son état réel : un corps apathique dont le cerveau est branché sur un monde virtuel et idyllique (comparé au monde réel du film).

Le spectateur est ainsi pleinement renvoyé à sa propre condition, lui-même étant assis dans une sombre salle de cinéma à regarder un monde fictif : le film. C'est donc à son tour de se contempler dans un miroir. Pour cela, il n'a qu'à regarder l'écran :

Matrix - Threesome

Cliquez pour agrandir

Un rapide coup d'œil à sa gauche et autour de lui prouvera qu'il est bel et bien dans le même état que le personnage avec lequel il s’est identifié, car tous deux sont entourés de leurs congénères immobiles et branchés sur un monde virtuel :

Matrix - Voisins Matrix - Plongée

Cliquez pour agrandir

Métaphore d’une salle de cinéma selon les frères Wachowski ?

C'est donc bien plus qu'une identification qui s'opère ici puisque le spectateur est amené à se regarder lui-même et à prendre conscience que peut-être, à force d'être plongé dans des écrans de cinéma, de télévisions et d'ordinateurs, vit-il également dans un monde virtuel.

Mais au-delà d'une identification exacerbée, c'est également une représentation de ce que cherche principalement le spectateur dans une fiction : le reflet de soi-même. Est-il possible d'aimer un film qui ne nous représente pas un tant soit peu dans son propos, dans son esthétisme ou dans les sentiments qu'il évoque ?

2 commentaires :

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. Keanu Reeve est un Rêve ! Donc plonger dans un de ses films, où il incarne un monde irréelle est tout à fais imaginable... :) .bravo pour la description, j'ai bien apprécier la comparaison au sujet de ce qu'ont vie au cinéma et le monde virtuel dont il est justement question dans le film. Merci

    RépondreSupprimer